Une expérience de juge en Asie du Sud-Est

Après un séjour de 3 mois en Asie du Sud-Est, au cours duquel Bernard Maurel, juge international 5* a eu l'occasion de juger, il nous fait le plaisir de partager avec nous cette expérience.

Bonne lecture …

En Novembre, Décembre 2022 et Janvier 2023, j’ai eu l’occasion d’officier sur des concours nationaux en Thaïlande et en Indonésie (ile de Java). À la demande de notre présidente du CFJD, je vous en livre pêle-mêle quelques impressions.

 

Les règles du dressage international sont en général reprises pour l’organisation de ces compétitions. Le niveau ne dépasse actuellement pas le Petit Tour, que peu de chevaux atteignent. Mais les épreuves de niveau dits Préliminaire, Elémentaire ou Medium sont bien remplies. Les Fédérations utilisent les textes d’épreuves FEI (Children, World challenge, Juniors).

Le jugement se fait à 2 ou à 3. La possibilité d’inviter des juges internationaux est appréciée, mais j’ai aussi jugé avec des juges nationaux, sans qu’il y ait de différences notables. La présence de stewards en nombre suffisant, et d’équipes d’organisation nombreuses et efficaces est appréciable et fait du bien quand on doit assumer les responsabilités de président de jury. Notons une inspection sérieuse des chevaux des épreuves de rang élevé, aux normes FEI là aussi.

 

La relative bonne santé économique de ces pays, et l’intérêt pour notre discipline de cavaliers passionnés s’ajoute à leur sens de l’accueil et de l’efficacité. Mais n’oublions pas la dimension géographique, basée sur de l’éloignement, des langues et des cultures très éloignées des nôtres : elle implique de savoir s’adapter. La langue utilisée est l’anglais, ce « global english » international devenu aujourd’hui la norme. Mais le langage équestre est le même partout.

L’existence depuis une quarantaine d’années du World Challenge, initiative de la FEI pour créer du dressage de petit niveau dans des pays éloignés en déplaçant les juges et non les chevaux, en a créé des bases solides. Aujourd’hui abandonné sous sa forme initiale, il est remplacé par un challenge FEI organisé par les fédérations éligibles à ce programme d’aide : les épreuves vont des reprises FEI Children à l’Inter I, les juges sont des juges FEI de la région ou des juges nationaux, et c’est un classement par équipes qui prévaut. 

 

Le jugement des reprises ne diffère en rien de ce que nous connaissons en France et en Europe. L’époque des voyages faciles des dernières décennies a facilité les échanges : chevaux, entraineurs, juges peuvent aller partout, et les passionnés de ces pays sont les premiers à aller voir, passer quelque temps, ou même s’installer pour apprendre dans des pays à forte culture dressage. Cependant le poids de l’Australie comme leader dans cette région du monde n’est pas à négliger, vu l’évolution de son dressage depuis une vingtaine d’années.

Les deux pays cités (Thaïlande et Indonésie) en sont actuellement à participer aux championnats d’Asie, sur le Petit Tour dont la première édition de l’histoire de la FEI a eu lieu en Décembre 2019. Les Jeux Régionaux prévus en 2023 reprennent ce niveau. Et les objectifs des deux pays peuvent aller jusqu’à espérer qualifier un individuel sur le niveau Grand Prix pour les JO de Paris.

 

Techniquement, le sérieux du travail sur les reprises est toujours présent, depuis les enfants sur poneys jusqu’au professionnels sur des chevaux importés en passant par des concurrents militaires sur des chevaux normaux, ou des amateurs diversement remontés. Comme partout sur ces niveaux, on arrive à mettre quelques 8 et on est désolé de devoir parfois descendre à 2 ou 3, voire de sonner la cloche pour divers soucis ; mais le règlement FEI est clair, et repris par les fédérations dans leur pays. Ici, Les carrières et les sols sont de bonne qualité, aptes à subir des averses tropicales et à tenir sous le pied des chevaux même après un orage bref et intense. La tribune des juges est protégée par une tente de la chaleur et parfois même dispose d’un ventilateur. Et les remises des prix sont organisées avec célérité, devant familles enthousiastes et photographes déchainés … 

 

Bref, juger dans ces deux pays quand on aime voyager reste un travail de juge comme partout. Cela n’empêche pas par ailleurs tourisme et shopping pour ceux qui l’apprécient. Mais notre responsabilité est accentuée, car il s’agit aussi d’être bienveillant pour aider au développement de la discipline, d’être juste pour classer les concurrents, voire d’être pédagogue pour expliquer les observables et leur prise en compte dans le jugement. Notre rôle est d’autant plus délicat qu’il doit joindre à la compétence et à la rigueur techniques une amabilité et une politesse à toute épreuve, la culture asiatique étant basée sur le respect de ses interlocuteurs … ! Appréciable, non ?

Bernard Maurel - Avril 2023